JOURS 15 & 16 – VLADIVOSTOK

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En une ellipse ferroviaire, la ville la plus peuplée d’Europe laisse sa place à celle de l’Extrême-Orient, nous accueillant dans sa gare mitoyenne au port, où nous délaissons la première pour rejoindre le second d’ici quelques jours, quai de départ pour notre prochaine destination. Mais, comme dit l’adage, il faut savoir s’arrêter pour mieux repartir, et cette étape à Vladivostok nous fera le plus grand bien : prendre un bol d’air nouveau, se dégourdir les jambes…. et reprendre le sac à dos !

La 1ère locomotive du transsibérien entourée de ses petites-filles.

Une semaine sans poids de charge nous a permis de nous décontracter les épaules et de gagner en récupération musculaire, mais elle nous a aussi fait perdre un tant soit peu d’endurance dynamophile, et la topologie vers notre petit lit douillet va nous le faire sentir. En effet, même si la distance du trajet est relativement courte, le centre de Vladivostok a été bâti sur une butte, et les rues possèdent un abrupt qui n’ont rien à envier à celles de San Francisco.

Le cliché pris droit arrive tout de même à pencher.

La reprise de la marche étant par conséquent plutôt lente, cette cadence permet alors de regarder ce nouveau paysage qui nous entoure. Si certaines villes russes restent identitairement en grand écart avec un pied en Europe et l’autre en Asie, Vladivostok ne laisse aucun doute et s’inscrit à pieds joints en Asie, sans hésitation possible : un restaurant sur deux est coréen, les enseignes cyrilliques sont pratiquement toutes traduites en sinogrammes, et les importations de produits sont en majorité japonaise.
Les véhicules suivent également cette directive puisqu’étonnament, la plupart des voitures ne sont pas russes mais proviennent du sol nippon et conservent toutes leurs options d’origine, notamment le poste de pilotage du côté droit…. malgré le sens de circulation à droite, contraire au code la route japonais !

Même les hôtels capsules japonais sont présents dans cette partie de la Russie.

Cette dernière parenthèse d’été sur le continent eurasien a pour but de nous ressourcer de bien des manières différentes. Tout d’abord, l’accès aux premières nécessités sans bruit de fond constant et surtout, sans contrainte sous mouvement perpétuel : marcher sans devoir compenser les soubresauts mécaniques, s’assoir à une table sans roulis ni vibrations, s’allonger sur un matelas immobile en écoutant le chant des oiseaux fenêtre ouverte… Ensuite, les disponibilités immédiates et complètes de la salle de bain et de la cuisine communes, afin d’enfin se laver dans une douche (!) puis de respectivement mettre fin à sa faim. Devant une telle opulence d’ustensiles à notre disposition, le prétexte pour manger comme à la maison est tout trouvé.

Un bien beau mélange de cultures et de symboles en un seul et même endroit.

De plus, le supermarché pour acheter ses victuailles n’est qu’à deux pas de l’auberge : comment ne pas créer un repas des plus frugaux et variés devant une telle aubaine ? Le rayon nourriture du magasin n’est pas en reste non plus car, face à l’opulence panachée de ces mets convoitables, nos moustaches salivent et un sourire se dessine sur nos frimousses : à mesure que nos papilles trémoussent, nos courbatures s’émoussent.

Un échantillon des recettes différentes à partager.

En cherchant d’autres spécialités locales – boissons pour être précis – force est de constater que la surprise fut grande lorsque le rayon vodka de ce commerce demeure introuvable, mais est en plus remplacé par un étalage dédié au cognac : parcourir 12000 kilomètres alors que la maison mère se trouvait cent fois moins loin, quel gâchis !
Si la célèbre eau-de-vie de pommes de terre est difficile à trouver sur sa terre d’origine, l’eau plate en bouteille l’est tout autant. Aussi inouï que cela puisse paraître, l’eau minérale en Russie ne se trouve que sous sa version gazéifiée : impossible de mettre la main sur une bouteille d’eau de source sans gaz carbonique.
Hors eau courante, la solution la plus proche d’une eau minérale plate vendue en bouteille sera de l’eau minérale gazeuse… dégazéifiée. De quoi se creuser les méninges sur le chemin du retour avant de coincer sa bulle.

On ne trouve pas d’eau plate, mais des petites gâteries intéressantes.

Enfin, avant de se poser puis se reposer, ce même chemin de retour nous indique une pharmacie, idéal pour commencer à soigner l’angine de mon sensei, reçue entre le climatiseur du compartiment et ceux du wagon pendant une semaine sans discontinuer. La pharmacienne nous questionnent sur les maux mais les mots russes ne nous viennent pas : Sirop ? Pastilles ?
Fort heureusement, les molécules ainsi que les marques des médicaments sont communs aux deux langues, et nous voici parés pour libérer cette gorge enrouée.
Non seulement, la pharmacienne nous explique la posologie, mais elle nous explique également le système russe : les doses sont moins chères qu’en France mais surtout plus fortes, à tel point que la voix de mon sensei commence déjà à se clarifier après une seule lampée !

À noter qu’en ce qui concerne les prix, et ce de manière plus générale, ils sont toujours affichés en roubles quelque soit le montant obtenu puisque le kopeck, équivalent de monnaie de subdivision comme le centime, n’est plus utilisé en Russie. Ainsi, si la somme totale du prix est en décimale avec virgule, celle-ci sera alors automatiquement exclue au profit d’un arrondi à l’entier, afin de pouvoir payer le prix exclusivement en roubles.
Des soins pleins les mains, de bons petits plats dans de grands cabas, et un lit moelleux dans un espace silencieux forment les ingrédients d’un repos des plus réussis.

La statue de Lénine et son armée de pigeons veillent sur nous.

Au réveil, en nous dirigeant vers la cuisine pour nous préparer notre première collation de la journée, quelle fut notre joie de découvrir que notre hôte nous a gentiment offert le petit-déjeuner, cuisiné et servi par ses soins pendant que nous dormions, afin de nous faire une agréable surprise au rampement du lit : une délicate et gentille attention qui restera longtemps en mémoire, c’est certain.

Les pigeons veillent toujours au grain de bon matin.

Le climat n’est pas aussi hospitalier après ce long repos, et nous ferait presque culpabiliser de ne pas avoir été aux aurores pour voir le soleil : ses rayons ne pointeront pas de si tôt, puisque ce dernier, timide, reste camouflé derrière son rideau de nuages, jouant à verser la pluie sur les trottoirs de la ville. Même si le déluge est parti pour durer, l’idée d’aller enfin visiter Vladivostok est toujours d’actualité, grâce à nos capes de pluie, déjà testées et approuvées à Copenhague.

À nous les rues inondées pour arpenter le Nid d’aigle qui, sous les trombes d’eau, offre une vue imprenable sur l’île Rousski et son célèbre pont à haubans, nourrie par le tumulte incessant des torrents descendants, trémoussant d’abord à nos pieds pour aller rouler ensuite jusqu’aux baies alentours.

Au bon endroit, au bon moment. #NoFilter

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