7 jours. 8700 kilomètres. 70 gares.
Le plus long trajet ferroviaire au monde dans un seul et même train :
le mythique Transsibérien.
Partant de la capitale Moscou en traversant l’intégralité du territoire russe, jusqu’à la ville la plus à l’Est qu’est Vladivostok, la semaine passée dans le Rossiya est le rêve de toutes les personnes amoureuses du train : s’il ne devait en rester qu’un, ce serait celui-ci.
S’arrêter en gare de toutes les plus grandes villes russes, traverser les Monts Oural, voir défiler les paysages de deux continents différents, tout en longeant le Kazakhstan, la Mongolie, la Chine…. Un trajet unique au monde, faisant relativiser le temps, l’espace, les distances, et par extension, le voyage.
Un tel cheminement réalisé d’un bloc laisse apparaître certaines sensations non anticipées dès lors, et créent certaines habitudes impossibles à imaginer avant un voyage de la sorte. Être en permanence en mouvement dans un train qui roule, même une fois allongé dans sa couchette, demande une certaine pratique afin de rester en harmonie avec ses faits et gestes, surtout lorsque le train s’aiguille et change de voie, de notre point de vue aléatoirement et à pleine vitesse. Au bout d’un certain temps relatif, les mouvements de saccades parfois violents dû aux rails empruntés deviennent petit à petit des mouvements de landau à la place du wagon : même le son du roulement qui peut paraître nuisible devient notre berceuse du soir, nous accompagnant à la belle étoile visible depuis notre compartiment.
En parlant de compartiment, nous avons eu l’opportunité de voyager à bord du transsibérien dans une cabine privatisée avec mon sensei dite 1ère classe. Je vous arrête tout de suite, point de fantasmes ici : le transsibérien n’est ni plus ni moins qu’un train, c’est tout. Pas de luxe dans le style de l’Orient-Express, ni de vétusté où les passagers montent en marche, le Rossiya est un train de ce qui a de plus classique lorsque l’on s’imagine d’un train en Europe, contrairement à sa feuille de route qui est démesurée.
Les compartiments « 1ère classe » – dite Spalny Vagon – sont donc des petites cabines classiques avec 2 lits-couchettes, séparés par une petite table, dotées d’un confort similaire aux trains de nuit français : draps, couvertures, oreillers, serviettes et nécessaire de toilette, lumière, télévision, radio, climatisation…
Oui, vous avez bien lu, climatisation pour parcourir la Sibérie sur rails ! Les Russes doivent avoir le sang chaud au mois d’Août car même si le trajet passe par les villes les plus froides au monde, l’intégralité du train est automatiquement climatisé (et non ventilé) lorsque la température extérieure atteint un minimum de +24°C, sans possibilité de contrôle dessus. Mieux encore, en-dessous des +24°C, l’air climatisé est conservé par défaut dans les compartiments : traverser la Sibérie autour des 20°C à l’extérieur en été pour finalement attraper froid à l’intérieur du train qui la traverse est un comble….
Curieux de savoir comme nous traverserons de nouveau le trajet retour en hiver.
Afin d’éviter les débuts d’angine, quelques astuces se créent : se parer de vêtements chauds pour la journée, faire quelques petites sorties à l’air libre lors des arrêts en gare, se munir de couvertures pour la nuit, et demander le plus tôt possible à couper la climatisation lorsque la température chute en-dessous des +24°C. Pour réaliser ces dernières, nous pouvons compter sur notre Provodnika, notre chef de wagon.
Historiquement en Russie, chaque voiture de train est sous la tutelle d’une femme qui assure l’entière responsabilité des services et informations pour ses passagers : informations d’horaires, de lieux, aide technique, propreté, boutique, etc. Dès qu’une question relative au transsibérien se pose sur le trajet, c’est en priorité à elle qu’il faut la poser… encore faut-il que la barrière de la langue soit levée.
Bien heureusement, les mots échangés sont communs aux langues de Pouchkine et de Molière, et il devient alors naturel de comprendre ce que nous dit notre Provodnika, comme par exemple, que le prochain arrêt en gare sera de 20 minutes, idéal pour étirer ses jambes et s’oxygéner, ou que le train va repartir et qu’il serait bon de revenir près du wagon, ou même de comprendre qu’il fait +19°C au sein du train et qu’il est temps d’arrêter cette climatisation avant qu’elle ne crée des complications de santé plus importants qu’une simple toux.
Pour se réchauffer, il existe bien heureusement un objet traditionnel russe, que tous les wagons possèdent, il s’agit du samovar. Populaire en Russie depuis des siècles, ce réservoir est prévu pour servir de l’eau bouillante en permanence, afin de préparer le thé. On peut donc l’utiliser à toute heure de la journée et à volonté pour passer une tasse de thé, mais il peut également servir par extension à confectionner un bol de soupe, remplir une bouillotte, ou simplement avoir un bidon d’eau chaude avec soi, utile dans cette configuration de voyage puisque le samovar représente l’unique source d’eau chaude dans ce train.
En effet, les toilettes de ce train, présentes par paire dans chaque voiture, sont dotées de lavabos qui ne connaissent que l’eau froide, en dépit de la molette de température présente sur le robinet qui n’influe que sur la pression du jet d’eau froide. Mieux encore, aucune cabine de douche n’est disponible sur ce train parcourant la Russie pendant une semaine complète. Cette absence de confort est du pain béni pour les passagers en 1ère classe qui ne font alors aucune preuve d’effort de propreté pendant leur déplacement, et s’en donnent à cœur joie dans l’ensemble du wagon, où incivilités sonores et odorantes sont légion, tout en condamnant simultanément et en un temps record les deux cabinets de la voiture, retrouvés bouchés par des ramettes de papier hygiénique.
Dès la fin de la première journée, une atmosphère moite et fétide flotte dans les couloirs du wagon qui s’épaissit au fil des jours et des personnes, heureusement épargnée de notre compartiment verrouillable par carte d’accès magnétique, un luxe disponible uniquement en SV.
Les voitures dites « 2ème classe » – alias Kupé – sont composés des mêmes compartiments que la catégorie précédente, mais sans fermeture magnétique des compartiments comprenant 4 couchettes superposées dans chaque contre 2 pour le nôtre, ce qui signifie un espace rigoureusement identique avec deux fois plus de personnes, et donc deux fois plus d’improbité. Seulement, le train ne se compose pas uniquement des 1ère et 2ème classes, contrairement à la plupart des trains européens qui s’arrêtent à la 2nde classe.
La majorité du transsibérien est composé d’une autre tradition russe : la « 3ème classe ». Plus question de compartiments, d’espace pour soi, ou simplement d’espace pour regarder le paysage par la fenêtre, la 3ème classe – nommée Platzkart – est un ensemble de pas moins de 10 voitures de long, empilant banquettes sur couchettes où l’espace est optimisé pour loger le plus de personnes possible en position allongée. On peut voir jusqu’à 4 dortoirs se superposer en hauteur afin d’accueillir plus de 500 passagers à la fois. Si la différence d’ambiance est notable dès le premier jour avec moins de 20 personnes dans le wagon, elle est encore plus prononcée en fin de parcours dans les dortoirs les plus en hauteur.
Avec tout cela, l’ambiance de cette 3ème classe y est considérablement plus chaleureuse car le Transsibérien tient témoin d’un authentique et populaire relais entre les habitants russes, dispersés dans des villes différentes, qui souhaitent se retrouver. Si rejoindre une ville depuis une autre au sein d’un même pays – autre que la Russie – peut se planifier par un choix généreux de moyen de locomotion, trié en fonction du groupe, du budget ou du temps alloué au trajet, la vastité naturelle de la Russie contraint son populo à deux options pour se rendre à la ville la plus proche : l’avion, trop onéreux pour la majorité de la population, ou le train.
Quoi de plus idéal que d’emprunter les lignes du Transsibérien, qui voient passer 2 à 4 trains chaque jour spécialement dédiés pour rejoindre les terminus les plus éloignés au monde, à bord de la classe la plus populaire du pays pendant des heures voire des jours, tout en ayant la possibilité de s’allonger et même dormir, le tout pour un prix raisonnable d’environ 20 euros par journée de trajet effectuée ?
Ainsi, cette classe unique devient un home fugitif, où les nombreux passagers le temps d’un trajet éphémère prennent le temps d’atteindre leur destination pour un rendez-vous, voir des amis, ou rejoindre sa famille : nombreuses sont les retrouvailles sur les quais des gares, où les étreintes des parents avec leurs enfants ainsi que celles des couples sont chaleureuses et émouvantes. Il arrive également que les retrouvailles se poursuivent dans le train et que le groupe, désormais entier et réuni, continue son trajet vers une gare d’arrêt commune, malgré des gares de départ complètement distinctes.
Si nous partageons ensemble l’entièreté du train dans nos compartiments et classes différentes, il existe au sein de ce convoi de chemin de fer un endroit où tout le monde se réunit, autour d’un intangible entichement, à tout moment de la journée : le wagon-restaurant.
Situé entre les voitures 1ère et 2ème classe, le wagon-restaurant est la voiture la plus animée du Transsibérien, qui voit passer toute la journée les ripailleurs de toute nature : les timides qui n’osent pas interrompre le service pour commander, les forceurs qui draguent pataudement et dans les verbes et dans les gestes, les rieurs à gorge déployée qui font résonner leurs jubilations jusqu’à la caténaire, les aristocrates qui exigent du vin rouge et des napperons repassés pour ornementer leur repas, les rêveurs qui entre deux menues bouchées écrivent et dessinent dans leur carnet, les gloutons qui recouvrent leur table d’assiettes chaudes si rapidement vidées qu’elles n’ont pas le temps de tiédir, les spectateurs de la vie qui regardent énamourés par la fenêtre le décor naturel russe qui défile au rythme des traverses, les solitaires mélancoliques qui repensent aux doux souvenirs de la veille partagés dans la couchette conjointe avec ces inconnus qui viennent de quitter le train au précédent arrêt, les raccrocheurs proposant de nouvelles rencontres et des tournées générales de table en table, ou encore les dipsomanes patientant dans l’ombre l’ouverture du restaurant pour enfin se faire servir leur précieuse première décoction de la journée, après une très courte mais trop longue nuit dégrisante au gosier aride et au foie cirrhotique, qui videront bouteilles sur bouteilles, écoulant le stock de bières plus vite que celui des pommes de terre.
Vous l’aurez compris, ce wagon-restaurant présente l’option la plus évidente pour se remplir l’estomac, et réunit ainsi tout le monde à toute heure de la journée, que ce soit pour boire ou manger, du petit-déjeuner au dîner en passant par le déjeuner et autres pousse-cafés. Même si la vodka n’est pas présente sur la carte, cette dernière possède un choix relativement large en boissons et surtout en nourriture, permettant d’offrir un menu assez varié pour pouvoir changer de plat tous les jours, même en restant une semaine d’affilée à bord de cette cantine roulante.
Les clients, majoritairement russes, connaissent culturellement d’emblée les plats nourrissants bon marché, et se jettent comme des meurt-de-faim sur les formules les plus avantageuses, que ce soit la formule du midi avec entrée + plat + café, ou une composition à la carte bien rodée pour sortir de table la bourse et la panse pleines.
Ainsi, en commandant à la carte un bol de Borsch, soupe de chou rouge typique de Russie, en entrée, une julienne de poulet aux champignons garnie de son assiette de pommes de terre sautées en plat principal avec du pain et une bière Baltica, l’addition reste encore inférieure à une seule assiette janséniste de saumon grillé sans légumes ou boisson d’accompagnement. Il est donc primordial de commencer son séjour culinaire en wagon par les mets les plus populaires avec un ratio qualité/prix imbattable puisque ces derniers seront dépouillés dès les premiers jours … si ce n’est pour certains repas en seulement quelques heures.
Le fait de choisir ces fricots en priorité permet aussi de goûter la gastronomie russe dans des assiettes chaudes et bien présentées à des prix tout à fait raisonnables, sans laisser passer cette occasion unique sous notre nez, au grand dam de ce dernier, hypnotisé par ces délicats fumets russes. Ainsi, à vous le caviar rubis de saumon, la solianka, le bœuf stroganoff ou le poulet tabaka préparé en cuisine après commande à l’oral en russe, ou avec la méthode ancestrale, du pointage de la carte avec son doigt, liée au lever de doigts de la main opposée afin de préciser les quantités voulues.
Si les places mises à disposition dans le wagon-restaurant sont toutes occupées, ou quand il ne reste plus assez de vêtement propre pour pouvoir sortir autrement qu’en pyjama, il est également possible de se faire livrer le repas dans son propre compartiment, moyennant une majoration de 15% sur l’addition finale : une option coûteuse qui se réfléchit à l’avance, et qui peut tâcher les draps si le trajet est un peu trop brusque lors du repas.
Un autre luxe exclusif à la première classe est que le repas est compris dans le prix du train, comme indiqué sur le billet. Néanmoins, LE repas signifie bien un seul et unique repas prévu sur la totalité du trajet, soit le premier dîner à bord, livré dans son compartiment. La douche – à défaut de ne pas pouvoir en prendre – devient froide lorsque l’on constate le lendemain, qu’aucune nourriture nous parvient de près comme de loin. Personne ne souhaitant nous informer de la conduite à tenir sur comment manger de nouveau, avec d’un côté la barrière de la langue et de l’autre l’attente d’une éventuelle livraison de repas, nous découvrons l’existence de ce wagon-restaurant assez tard dans la journée : avec la traversée des nombreux fuseaux horaires, celui-ci se retrouve porte close nous renvoyant dans nos pénates le ventre vide, creusant la future place du premier petit-déjeuner à bord de ce mythique réfectoire ambulant.
Il faut donc garder à l’esprit que quelque soit la classe ou le confort de voyage dans le Transsibérien, nous sommes ici dans un train, et que chaque service de consommation demande rétribution : tout se paye comptant, en roubles et en liquide. Même si la distance est la plus longue au monde dans un pays limitrophe de Norvège jusqu’en Corée, le Rossiya ne traverse aucune frontière et reste dans son pays : le personnel à bord est tout naturellement russe et n’accepte qu’une monnaie, la leur.
À noter que la carte bancaire ne fera pas beaucoup d’heureux puisque le personnel n’accepte pas forcément ce type de paiement, dû aux commissions élevées réciproques, et aucun distributeur ne sera présent dans le train ou dans les gares pour pouvoir effectuer un retrait d’espèces. La solution la plus simple et la plus efficace reste de retirer des roubles en liquide avant le départ, afin de pouvoir régler tout ce que l’on souhaite lors du trajet, comme la nourriture, les boissons, ou même des souvenirs comme de la vaisselle ou des produits dérivés de la RZD.
Si la timidité ou la barrière de la langue venait à se sentir trop lourde, cette fourniture peut également être consultable en ligne, via Internet. En effet, contrairement à ce que l’on peut trouver comme informations à ce sujet, le Rossiya dispose d’un accès wi-fi accessible pour ses passagers, disponible en rentrant le numéro de son billet de train pour une navigation d’une durée de 24 heures sur Internet renouvelable, pour la totalité du trajet avec le même procédé d’identification.
Une page d’accueil s’affiche alors avec les actualités, le trajet en temps réel et un système de boutique en ligne où l’on peut choisir ce que l’on souhaite acheter, en ajoutant article par article dans un panier virtuel, où ce dernier une fois rempli serait réglé en échange de notre commande apportée par notre provodnika ou le personnel du wagon-restaurant.
Hélas, tout ceci n’est que théorique : même si l’accès en question est disponible en russe et en anglais, peu importe ce que l’on souhaite commander, personne ne viendra ou ne s’en occupera. Plus insolite encore, les articles disponibles et commandés en ligne deviennent instantanément indisponibles lorsque notre provodnika suscite un soupçon d’intérêt pour ce service. Comme imaginé, cette alternative était trop belle pour être vraie : la boutique est autant perméable hors-ligne que connecté (et tout le monde s’en fiche éperdument), le trajet en temps réel reste figé au même endroit sur une carte monochrome, et certains sites Internet sont bloqués de facto.
Toutefois, si la connexion Internet existe bel et bien dans ce train, celle-ci est inévitablement instable : si le téléphone arrive à couper lorsque l’on passe sous un tunnel, la connexion Internet, elle, arrive à trancher lorsque le train va trop vite ou que le relief sillonné est un peu trop vallonné.
La méthode qui fonctionne à coup sûr est donc d’aller voir les personnes concernées et de demander face à elles les services dont on a besoin avec ses roubles en poche. Tout comme il n’y a pas que de la nourriture à acheter à bord du train, le wagon-restaurant n’est pas la seule source de ravitaillement lorsque l’on voyage à bord du Transsibérien.
Les passagers scrupuleux transportent avec eux leur repas achetés avant la traversée, composés d’aliments pas ou peu périssables, ne nécessitant pas de froid pour être conservés : conserves, saucisson, pain de mie, nouilles instantanées, etc.
Là encore, le chaleureux samovar est un allié indéfectible pour se sustenter en toute quiétude, pour peu que l’on amène avec soi un récipient, puisque tout ce qui transforme à base d’eau chaude devient comestible à tout moment : du repas aux boissons chaudes, les menus deviennent sans limite à condition que la base soit déshydratée, ou lyophilisée pour assurer un gain de place optimal dans les bagages.
Cependant, trouver son pain blanc en Russie sans comprendre la langue peut s’avérer plus difficile que prévu, et embarquer sans la moindre ration est chose courante. Pour ne pas dilapider l’intégralité des picaillons nickelés en une seule commande au wagon-restaurant, chaque provodnika possède une réserve de boissons et plats solubles disponibles à tout moment, en échange d’une addition bien moins salée que celle de la voiture-buffet mais pour un choix beaucoup plus restreint.
La dernière option pour se sustenter est la moins onéreuse et celle adoptée par les Russes depuis des générations : faire ses courses sur le quai des gares. Le train marquant l’arrêt dans toutes les gares principales de Russie, soit une dizaine de fois par jour en moyenne, il est de tradition que de voir apparaître comme par magie des échoppes ambulantes à mesure que le train ralentit pour marquer son arrêt. Lorsque ce dernier est totalement arrêté, le quai de la gare desservie se transforme alors en vrai marché à ciel ouvert où chaque voyageur, le temps d’une pause à l’air libre, peut faire son stock de provisions à des prix défiant toute concurrence et un choix incomparable : nourriture, boissons, livres, statuettes, poterie… les bonnes affaires se trouvent ici ! Une fois le train remis en route avec ses passagers de retour à l’intérieur, les boutiques roulantes disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues quelques minutes plus tôt.
Cette façon de marchander la plus employée en Russie n’est pas qu’une question de choix, c’est aussi une conséquence de la vie de tous les jours, car le pays est et reste pauvre. Loin des idées reçues d’une union fédérale immunisée résistant à tout et contre tous, le pays le plus grand du monde n’est plus la puissance d’antan, et tente encore de se raccrocher à la gloire passée liée à ses symboles outillés qui depuis ne cessent de se corroder. Hormis les lieux de passages incontournables de la Mère-Patrie, aucune construction n’a l’air réellement terminée. Que ce soient pour les gares, les immeubles, les maisons, les routes, ou les centrales électriques – extrêmement nombreuses sur le chemin pour alimenter le pays – une règle d’or s’impose : tant que ça tient debout, ça fonctionne.
Le nombre impressionnant de maisons en bois et en tôle ajourées, avec un niveau d’étanchéité aussi bas que les températures sibériennes fait froid dans le dos. Au premier abord, la plupart des usines semblent désaffectées pour un œil néophyte, sans doute abandonnées depuis des années avec leurs murs troués et leurs cheminées aussi verticales que la tour de Pise. Pourtant, à y regarder de plus près, ces mêmes cheminées émettent toujours de la fumée et de nombreux va-et-vient de la part des employés s’agitent, tout deux synonymes d’activité, sous nos yeux ébahis. On assiste alors à une fresque bien réelle d’une autre décennie, où le temps se serait figé à l’époque soviétique pendant que la vie a continué de tracer son chemin, avec des statues grandiloquentes et désuètes de dirigeants du siècle dernier, jonchées de sculptures érodées de faucilles et de marteaux, vouant le prestige révolu d’une restructuration obsolète, ayant pour toile de fond les habitants russes qui eux, tentent de continuer à vivre dans le présent avec le poids du passé.
Au fil des villes qui défilent, il n’est plus choquant mais toujours aussi surprenant de voir les meules de foin traditionnelles fauchées à la main dans les prés, de voir les lada arpenter des chemins de boue en guise de route départementale pour rejoindre la ville la plus proche, de voir les gens marcher sur les rails et traverser les voies pendant que les trains roulent, et le tableau devient morne de voir si peu de personnes âgées, autant de dépendance à l’alcool à bas prix, et une situation similaire visible sur toute la longueur du pays. Certaines parties du paysage sont même volontairement obstruées par la compagnie de chemins de fers, qui a placé de vieilles michelines de part et d’autres de la voie, de la même manière que l’accueil en territoire russe à la frontière depuis la Finlande : la raison la plus logique serait que ces trains, laissés à l’abandon et longs de plusieurs dizaines de voitures, pourraient créer des barrières anti-sons afin de ne pas déranger les habitants vivant près de la voie lorsque les trains circulent.
Cette hypothèse semble la plus probable, déjouant certaines idées complotistes, où la Russie, selon celles-ci, placerait ces longues machines de fer pour empêcher de voir ce qui se trame derrière elles. Cela n’a que peu de sens étant donné que les convois et entraînement militaires se déroulant à proximité des rails, donnent vue entière sur les équipements et les méthodes d’instruction en théorie classées secret défense….
À force d’observer la géographie urbaine, ce n’est plus la pauvreté qui happe mais le luxe qui lutte avec les autoroutes qui s’arrêtent en forêt, ou encore les hôtels flambant neufs collés aux habitations à loyers modérés vétustes et délabrées.
Fort heureusement, la géographie rurale est la plus imposante du pays, et c’est celle que l’on retient le plus pour toute visite en Russie, et aussi depuis le Transsibérien. Le pays a la particularité unique de traverser deux continents avec l’Europe à l’ouest et l’Asie à l’est, délimités géographiquement par l’Oural, et séparés administrativement par la ville d’Iekaterinbourg. C’est également à partir de cette frontière allégorique que le paysage devient orographique, où les longues plaines étendues laissent place aux vastes steppes vallonnées, où les kilomètres de pinèdes des premiers jours tirent leurs révérences pour les brumes des lacs des derniers soirs.
En parlant de la beauté sauvage de la Russie et de ses lacs, le point d’orgue du voyage est à n’en point douter le lac Baïkal. Hautement plébiscité par la population locale, la perle de Sibérie est à couper le souffle et est considéré comme la plus belle merveille du pays, à juste titre.
De jour comme de nuit, d’été comme d’hiver, d’eau comme de glace, le lac le plus grand d’Eurasie promet un spectacle de plusieurs heures quelque soit la saison, sans cesse différent et invariablement éblouissant : voir pareille étendue d’eau douce d’un bleu si profond se perdre dans l’horizon sous un ciel d’un bleu différent, laisse présager un spectacle incroyable au retour, lorsque la neige viendra border le lac tout autour de l’eau qui aura de plus en plus de difficulté à se mouvoir.
Un nombre important de familles russes viennent à bord du transsibérien pour aller voir le lac Baïkal, faire une virée, une promenade, pêcher, ou même se baigner. La grandeur est telle que l’on se croirait à la mer ou à l’océan ; peu étonnant d’apprendre que le Baïkal représente à lui seul la plus grande réserve d’eau douce au monde, soit 20% de toute l’eau douce sur Terre, avec un volume proche de la Mer Baltique, terrain de notre dernière traversée fluviale.
Le lac sacré de Russie vaut sans conteste le détour ferroviaire et mériterait même une visite plus approfondie, en marquant un arrêt en son endroit.
La bonne astuce du jour, ou plutôt de la semaine de voyage, est de s’arrêter dans la ville la plus proche du lac Baïkal, Irkoutsk, qui est aussi l’une des villes les plus connues du pays. Cet entracte permet de se dégourdir les jambes plus de vingt minutes – le temps d’un jour ou deux – et de visiter une autre partie culturelle du pays, d’admirer à son rythme la perle azurée, de se reposer avec confort dans le Paris de Sibérie, et de repartir vers la destination prévue, vers l’Ouest comme vers l’Est, en avion comme en train.
Si les secondes solutions sont toutes deux choisies pour la suite du voyage, cette pause permet également de couper le trajet du transsibérien en deux, et de réaliser cette traversée de la manière la plus agréable qu’il soit.
Pauvres fous que nous sommes avec mon sensei, nous n’avons pas opté pour cette option et réalisons le trajet mythique d’une seule traite …. et nous le referons au retour !
Implacablement, un voyage d’une telle ampleur se prépare à l’avance autant sur le plan dorsal que sur le plan mental. Beaucoup d’entre vous qui lisez ces quelques lignes fantasment sur un périple d’une telle envergure mais redoute un ennemi fabuleux : l’ennui.
Même si une telle traversée ne peut pas démarrer sur un coup de tête – au risque de se faire démarrer d’un coup de tête – elle reste sous le signe du voyage et de la découverte : tous nos sens sont éveillés et notre vision, liée à la soif de connaissances inédites, est renouvelée.
Chaque moment où notre regard se pose devient alors une quête d’un nouveau savoir, de retour à un âge où tout ce qui nous entourait était sans cesse neuf, et potentiellement utile pour nos actions et nos choix dans le futur, qui feront de nous ce que nous sommes actuellement et ce que nous serons plus tard.
Les occupations les plus simples deviennent ainsi les plus grandes récréations, et les moindres sujets découlent d’un temps de jeu indéfini sans même y prêter attention :
- Observer, comment la vie à bord du train se déroule à l’intérieur, à l’extérieur, dans les gares, qui vient, qui en sort, qui revient, ainsi que la nature changeant au fil des heures et des régions. Même si l’on voulait s’obstiner à passer l’intégralité de la journée à regarder par la fenêtre, ce doux rêve est malheureusement impossible puisque certaines heures de la journée laisse le soleil éblouir au lieu d’éclairer rendant toute tentative de spectacle impossible…. sans compter les nuits sans pleine lune où la vision du paysage se réduit sans ambages. Contrairement aux idées reçues, les moments d’admiration à la fenêtre du train où le paysage défile sont assez réduits, et doivent être anticipés pour en profiter le plus longtemps possible, offrant une fenêtre de tir parfois aussi courte qu’un coucher de soleil avant de se coucher de sommeil.
- Écouter, les sons du train qu’ils soient mécaniques ou organiques, vecteurs de transmission par le moteur ou par la langue parlée majoritairement russe. Nouvelle à nos oreilles, c’est toujours une bonne surprise quand nous nous surprenons à reconnaître un son ou un mot commun à d’autres langues, encore plus le français : c’est aussi le cas pour la langue lue avec l’alphabet cyrillique qui, à s’y pencher d’un peu plus près, puise une partie de sa graphie du latin et une autre partie du grec.
De cette manière, une nouvelle langue s’apparente de plus en plus à une chanson dont on ne connaîtrait pas les paroles mais, au fur et à mesure, où l’on reconnaîtrait la mélodie. Immédiatement, la langue russe prend le chemin de nos tympans, et certains mots, à force de répétitions culturelles, s’inscrivent dans l’apprentissage linguistique : Спасибо, Привет, Добрый день, правда, извините, далеко, До свидания…. Ces mots ne suffisent pas pour entretenir une conversation, mais ils invitent du moins, à essayer.
- Discuter, en russe, en anglais, en français, en mélangeant les trois le tout saupoudré d’une langue des signes improvisée à base de pointage sur images, de mimes et de bruitages. Dans le meilleur des cas, la discussion passe, se poursuit, et l’échange devient très riche en émotions. Dans le pire des cas, l’incompréhension est si présente des deux côtés que le rire en sera la solution : à quoi bon visiter un – ou autant de – pays sans vouloir échanger avec une des nombreuses personnes qui veulent apprendre de nous et nous transmettre de leur existence ? Malgré les logiques différences culturelles entre les transmetteurs d’histoires, des points d’entente universels sont toujours trouvés parmi les discussions. Progressivement, la vue et l’ouïe deviennent plus aiguisées : les passagers évoluent physiquement au fil des oblasts, d’un blond caucasien à un brun asiatique, la sarafane se revêt d’une parka par-dessus, et les phrases exprimées possèdent des sons devenant plus alvéolaires et gutturaux.
En ce qui concerne les passe-temps solitaires, dans les instants où personne ne croise notre route, ces derniers commencent dans l’expédition de notre compartiment à savoir, ce qu’il a à nous offrir. Pour ce qui est de l’Internet, nous l’avons vu, il existe et il est sans fil…. encore faut-il avoir de l’électricité pour pouvoir sans servir.
Bonne nouvelle, toutes les voitures du train sont dotées d’une prise de courant à partager, et les compartiments privatifs possèdent une prise supplémentaire à l’intérieur, placée en-dessous de la table.
À noter que la prise de courant en Russie est commune dans tout le pays, et est la même pour tous nos pays traversés et à venir hors Japon : de France jusqu’en Corée du Sud, les prises murales sont en 220V sur fiche européenne, soient 8 pays différents sans adaptateur de courant nécessaire.
L’équipement de notre cabine possède également téléviseur et radio avec prise pour brancher ses écouteurs pour passer le temps avec…. des programmes dont on ne saura jamais le contenu. Effectivement, la télévision n’était pas alimentée et les postes de radio ne produisaient aucun son : peut-être aurons-nous de quoi nous délecter des programmes de divertissement russes sur le train du retour en vidéo, en audio, et même les deux ?
Lorsque le soleil se couche, une veilleuse présente aux quatre coins du compartiment vient nous tenir compagnie, à la tête et au pied de chacun de nos lits respectifs, en plus de l’éclairage au plafond : ces têtes d’ampoules inclinables offrent une illumination confortable avec le paravent baissé et les rideaux fermés obstruant les lumières des villes, éblouissantes depuis leurs gares.
Lorsque le soleil se lève, le lit peut lui aussi se lever afin de laisser place à sa forme primaire, la banquette, idéale pour continuer sa lecture de la veillée une fois réveillé. Pour ne pas faire de jaloux, la banquette peut elle aussi se soulever pour accéder à l’espace bagage assez conséquent, accueillant sans souci nos sacs à dos tout en laissant encore un peu d’espace pour pouvoir y loger un petit sac accessoire. Pour les globe-trotteurs disciples d’Atlas, portant leur maison sur leur dos lors des périples, un espace additionnel en hauteur est disponible derrière le téléviseur du compartiment.
Pour information, ce sont à ces deux endroits prévus pour ranger nos bagages que les nécessaires de toilettes ainsi que le linge de rechange sont respectivement rangés et disponibles pour notre confort durant le trajet. Afin de parfaire notre déchiffrage de l’alphabet pré-révolutionnaire, des journaux nationaux du jour sous cellophane ainsi que divers magazines écrits en russe dans le texte sont offerts par la compagnie, comme une astuce de plus afin d’occuper son trajet. Toujours est-il que s’il venait à manquer quelque chose de capital ou d’évident dans ces ballots de tissus, il est alors temps de se servir de sa tête avant d’appeler qui que ce soit.
En effet, c’est bel et bien dans les appuie-tête du divan-lit que sont étendues les dernières affaires mises à disposition pour les futurs occupants avec cintres en bois, serviettes de toilette, ainsi qu’une trousse de fourniture compacte estampillée, aux couleurs de la société nationale des chemins de fer russes.
Cet étui est certes petit, mais costaud : pantoufles, chausse-pieds, peigne, savon, brosse à dents, dentifrice, lingettes rince-doigts au citron, et même une éponge de rasage ! Une attention tout à fait honorable que de nous fournir une pochette d’hygiène pour rester propre…. encore faut-il trouver un endroit pour l’employer.
À défaut d’inonder le train en réalisant nos premières affusions, le seul autre point d’eau disponible dans le train, offrant à la fois évacuation et discrétion contrairement au samovar, est le cabinet de toilette.
Allant toujours de paires dans chaque voiture, ces toilettes sont les alliées les plus fidèles de l’hygiène pour la semaine de voyage, bien que beaucoup de passagers les voient comme leurs adversaires : peu de respect des consignes, chasse d’eau non tirée, toilettes bouchées, certains même n’hésitent pas à laisser leur trace dans l’histoire de ce trône qui en a vu de toutes les couleurs…
Si ces déconvenues sont souvent présentes, rassurez-vous : pas de panique, prenez votre serviette ainsi que vos affaires de toilette et suivez le guide pour une méthode d’ablution tout aussi efficace que dans un camping.
Ces water-closets ont tout le confort nécessaire pour savoir comment nous allons avec porte, toilette et lavabo. Après avoir tourné le verrou pour créer un espace intime, il est de nature courante de devoir évacuer ce que les précédents locataires ont laissé avant d’en faire de même pour ses besoins.
Là encore, peu d’inquiétude pour retrouver des sièges d’aisance parfaitement fonctionnels, l’obstruction étant souvent causée par un excès de matière plus hygiénique que ce que l’on pourrait supposer, un bourrage de papier du même nom. En effet, le papier toilette et autres serviettes jetables ne sont pas à jeter dans les cabinets mais dans les poubelles sur les côtés sans quoi, le trou d’évacuation principal sera bouché comme l’indique la notice illustrée d’utilisation et l’attestent les précédentes enfreintes à cette règle.
Si mettre la main à la pâte dans cette situation peut rebuter, un coup habile de balai-brosse suffit généralement à retirer l’excédent du bouchon papivore des occupants -qui n’y sont pas allés de main morte – , à le déposer dans la poubelle la plus proche et ranger la tête-de-loup dans sa gamelle de solution hydro-alcoolique afin de lui garder les poils au propre.
Non loin du distributeur de papier russe se trouve un autre contenant de solution antiseptique regorgeant de lingettes désinfectantes prêtes à servir, pour un nettoyage efficace et complet sur les goguenots et l’évier, tous deux revêtus d’inox à polir sans lésiner à l’huile de coude.
Une fois les lieux lavés et assainis, l’appel des commissions retentit : tirez la chaînette, la poudrette cherra. Après un panier à 2 points inscrit dans les poubelles latérales à l’aide du papier hygiénique, le vœu tant attendu de la purification va enfin être exaucé.
Tout d’abord, le lavabo possède une large vasque avec un robinet et un mélangeur d’eau intégré afin de régler la puissance et la température. Si la pression de l’eau est réglable sans poser de souci durant ce trajet, nous restons mitigés quant à l’accueil peu chaleureux de la température de l’eau qui varie entre eau fraîche et eau froide. Élégamment, un grand miroir accompagné d’un distributeur de savon mousseux nous tiennent compagnie pendant notre brin de toilette, et forment une équipe de choc à nos côtés pour réussir en tout point notre propre hydrothérapie au pied levé.
Certes, se débarbouiller le visage et se laver les dents ne suffisent guère pour se gargariser d’un polissage anatomique en bonne et due forme. En regardant de plus près, les détails profus de ce petit coin regorgent d’inventivité.
L’un des murs est scarifié de deux fines rainures parallèles pouvant accueillir des clous, des crochets ou des cintres, transformant ainsi une cloison verticale vierge en véritable vestiaire pour vêtements et serviettes. Le sol est intégralement recouvert d’un tapis grillagé semblable au caillebotis de piscine afin d’éviter les glissades et de permettre à l’excédent d’eau de s’écouler.
Or, l’eau abondamment répandue sur ce sol – aussi bien aménagé soit-il – ne pourrait que provoquer une inévitable inondation, en ayant poursuivi son voyage au-delà des tartisses et convertirait la 2ème classe Kupé en première classe à écoper….
C’est pourquoi, en y regardant d’un peu plus près, le centre du sol possède un léger creux sous la natte anti-dérapante. Avec une observation encore plus minutieuse, le centre du sol possède même une bonde permettant une évacuation optimale de l’eau qui rejoint alors directement l’extérieur : en débouchant le sol tout en se bouchant les oreilles (attention au changement de pression), les cabinets de toilette se métamorphosent alors en cabine de douche !
Il ne reste plus qu’à boucher la vasque du lavabo pour la remplir avec un morceau de plastique, comme l’emballage du savon ou une lingette nettoyante, et non avec la bonde du sol qui doit rester impérativement à vue afin de la replacer à sa place initiale en fin d’opération.
Même si, à partir de là, prendre une douche dans un train non prévu à cet effet devient beaucoup plus simple, la tâche devient un peu plus ardue au niveau capillaire, surtout si l’on a des cheveux longs, sans pommeau ni … eau chaude. Fort heureusement, il existe une solution disponible à tout moment et à moindre frais pour se shampouiner avec une eau tempérée, celle d’emporter avec soi la plus grande quantité possible de l’eau la plus bouillonnante du train, encore et toujours le samovar : l’une des nombreuses bouteilles d’eau pétillante offertes par la compagnie ferroviaire faisant parfaitement l’affaire pour le transport d’eau, l’idéal reste une bouteille ou une gourde isotherme permettant de garder le plus longtemps possible la précieuse chaleur manquante dans l’eau de ce beau lavabo.
Afin d’éviter une tentative d’hydrocution par hypothermie, la moitié du contenu de la bouteille pourra être versée dans le lavabo afin de réchauffer le tout, et la moitié manquante sera à nouveau remplacée par de l’eau du robinet, afin d’avoir une réserve d’eau tiède pour le corps, et une bouteille d’eau à température modérée pour entretenir sa toison capilacée. Hélas, le rinçage étant la dernière étape du processus et les réserves calorifiques s’amenuisant rapidement, le final apportera toujours une fraîcheur notable, où la douche russe tire tout compte fait vers la douche écossaise.
Après ce bienfait revigorant, en n’oubliant pas de nettoyer la pièce et de reboucher le sol, il est impératif de bien se sécher intégralement dans la salle d’eau avant d’en sortir, et non sur le chemin séparant les toilettes de son compartiment : l’objectif n’est pas de prendre froid au détour d’un climatiseur la tête et le corps encore humides, mais de rester propre et en bonne santé pendant tout ce trajet, au rythme des fuseaux horaires qui défilent tranquillement vers l’Est, jusqu’à ce que la terre se finisse, tombant dans les bras de la baie de l’Amour.